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AU SÉNÉGAL, L’ÎLE DE FADIOUTH RAVIVE LE TRÔNE DU « ROI DE LA MER » POUR PROTÉGER SES ESPÈCES


Un coup de feu retentit sur l’île sénégalaise de Fadiouth faisant écho aux tambours. Tout de blanc vêtu, un homme franchit le seuil de sa maison. C’est le jour de son sacre comme « roi de la mer », chargé de protéger les espèces.

A 94 ans, Antoine Diogoy Samal Thiakane est le « 25e roi de la mer » de Fadiouth, une commune d’une dizaine de milliers d’habitants, à quelque 120 km au sud de Dakar, peuplée de musulmans et de chrétiens, et d’adeptes de croyances locales.

Le « sacuur », désignant ce souverain en langue locale sérère, est entouré de membres de sa famille, lors de la cérémonie du sacre vendredi, pour désigner un nouveau roi après le décès en 2021 de son prédécesseur.

Des croyances locales, liées aux cycles de la marée et à la longévité du futur souverain, ont retardé le sacre.

Danses lors du couronnement du Roi de la Mer à Joal-Fadiouth, 30 mai 2025 / AFP / PATRICK MEINHARDT

En haut et pantalons blancs, le corps couvert d’une étoffe de même couleur, le nouveau roi progresse lentement vers la place publique du village alors que le soleil est au zénith.

Le « roi de la mer est à la fois prêtre et devin. Il est chargé de préserver la mer, de garantir la sécurité des eaux et de veiller au bien-être de la population », explique Louis Ngom, un membre de sa famille.

« Il est chargé de protéger les populations des intempéries en mer et de rendre abondants les produits halieutiques (poissons et fruits de mer), pouvoir qu’il reçoît de Rog Seen », Dieu en langue sérère, expliquent les organisateurs dans un document.

Au Sénégal, pays à majorité musulmane, certaines communautés ravivent depuis quelques années des institutions longtemps délaissées — notamment politiques et culturelles — pour affirmer leur identité et préserver un patrimoine historique et environnemental menacé par la modernité.

La commune de Fadiouth, voisine de Joal — berceau d’enfance du président et poète sénégalais Léopold Sédar Senghor (1960-1980) — fait face à la surpêche et à la raréfaction des ressources.

Offrande de poissons à l'océan lors du couronnement à Joal-Fadiouth, 30 mai 2025 / AFP / PATRICK MEINHARDT

« J’ai laissé tout ce que j’avais à faire pour participer à la cérémonie et pouvoir la raconter à mes enfants », confie Philippe Marcel Diokh, qui filme la procession du « sacuur ».

« La culture traditionnelle résiste »

Sophie Emendou, 18 ans, participe à l’organisation. Elle se dit convaincue qu’ »à chaque fois qu’on observe cette tradition, on a beaucoup plus de poissons, d’huîtres et autres fruits de la mer » qui sont une source à la fois de nourriture et de revenus.

« Fadiouth fait partie des derniers bastions où la culture (traditionnelle, NDLR) résiste. Si nous la perdons, nous perdons notre identité. Si nous perdons notre identité, nous disparaissons », affirme Omar BA, adjoint du maire de la localité.

Rituel du mil lors du couronnement du Roi de la Mer à Joal-Fadiouth, 30 mai 2025 / AFP / PATRICK MEINHARDT

La mer est au coeur de la vie sur cette île. Le discours officiel du sacre appelle les jeunes à « faire des études dans les domaines qui concernent la mer », un secteur qui les attire de moins en moins.

Un rapport de l’ONG Environmental Justice Foundation indique une « crise des vocations » de jeunes qui veulent de moins en moins « suivre les traces de leurs pères » et expriment « de grandes incertitudes quant à l’avenir de la pêche » dans la zone.

Mais c’est vers la mer que se dirigent le roi et la foule qui l’accompagne, au terme du rituel de vendredi.

Sous les applaudissements et les clameurs de centaines de personnes massées sur le pont en bois menant au village, le nouveau roi, les larmes aux yeux, contemple l’océan qu’il n’aura désormais plus le droit de toucher, selon la tradition.

Il jette dans l’eau une variété de poissons et de fruits de mer, un geste censé favoriser l’abondance de la pêche.

« Nous croyons que Dieu lui a donné des pouvoirs pour agir sur la nature. Cette croyance fait qu’aujourd’hui, nous sommes derrière lui », affirme Louis Ngom.

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