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jeudi, septembre 18, 2025
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LES MINÉRAUX CRITIQUES POURRAIENT DYNAMISER L’AVENIR DE L’AFRIQUE


Des smartphones aux satellites, les minéraux critiques sont présents dans les technologies que les gens utilisent au quotidien, partout dans le monde. Alors que les gouvernements cherchent des moyens de ralentir le changement climatique, la demande en minéraux critiques, qui sont à la base des infrastructures de transport moins polluantes et des énergies renouvelables, ne cesse d’augmenter.

Selon une analyse des données réalisée par la DW, les pays africains jouent un rôle de plus en plus important dans la production de minéraux critiques. Une grande partie du cobalt, du platine, du tantale et du manganèse utilisés sont extraits sur le continent.

Selon le FMI (Fonds monétaire international), les minéraux critiques pourraient faire progresser le PIB de l’Afrique subsaharienne de 12 % au cours des 25 prochaines années. En effet, le FMI indique que la « transition énergétique mondiale, si elle est gérée correctement, a le potentiel de transformer la région ».

La course à l’extraction des minéraux critiques a remodelé les villes et alimenté les conflits entre des pays tels que la République démocratique du Congo et le Rwanda. « Nous allons contribuer à la lutte contre le changement climatique, mais malheureusement, nous ne pourrons peut-être pas en tirer tous les bénéfices », estime Sylvain Ilunga Muleka, technicien métallurgiste confirmé à Kolwezi, dans le sud de la RDC.

Il est en charge du relogement des membres de sa communauté, où l’expansion des activités minières oblige les habitants à déménager.

« De nombreux pays africains ont des gouvernements fragiles, ce qui rend le respect des principes environnementaux par les sociétés minières à travers l’Afrique un défi majeur », affirme Jimmy Munguriek, avocat et directeur national pour la RDC de Resource Matters, une ONG qui se consacre à la recherche et à la défense de la protection des ressources naturelles.

Selon lui, l’extraction a des impacts négatifs sur l’environnement, notamment la pollution de l’eau, et « les revenus générés par l’exploitation des minéraux stratégiques ne sont pas nécessairement répartis équitablement entre l’État et les communautés locales ».

En 2024, la Cnuced (la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) a estimé que les pays africains ne généraient qu’environ 40 % des revenus potentiels liés à l’extraction des minéraux critiques.

Quels pays possèdent le plus de minéraux critiques ?

Les gisements de minéraux critiques étant dispersés à travers le continent et le globe, certaines régions du monde sont fortement dépendantes d’autres pour leur approvisionnement.

Par exemple, l’Union européenne a identifié 34 matières premières comme étant cruciales pour son économie. La plupart d’entre elles ne se trouvent qu’au-delà des frontières de l’UE.

Selon l’analyse de la DW, près de 70 % de l’approvisionnement mondial en platine, un métal utilisé dans les piles à combustible et les outils numériques, tels que les disques durs d’ordinateurs, est produit en Afrique du Sud.

La RDC produit environ la même part de cobalt, qui est utilisé dans les batteries des voitures électriques et dans le stockage de l’énergie solaire.

Une grande partie de l’approvisionnement de la RDC en coltan, minerai à partir duquel on extrait le tantale, est exploitée dans les régions de l’est du pays, où le gouvernement est engagé dans un conflit armé avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.

D’autres pays africains détiennent des parts modestes, mais significatives, des réserves mondiales de minéraux critiques. En 2023, par exemple, le Ghana a extrait environ 4 % de l’approvisionnement mondial en manganèse, un minerai essentiel à la production de l’acier qui sert ensuite à construire des éoliennes et des robots.

Pourquoi ces minéraux sont-ils considérés comme critiques ?

Alors qu’une grande partie du monde s’éloigne des combustibles fossiles, les minéraux essentiels sont indispensables aux technologies émergentes, notamment les drones et la robotique.

La demande en minéraux essentiels provenant du secteur des énergies propres pour des produits tels que les moteurs électriques et les panneaux photovoltaïques devrait passer d’environ 10 000 kilotonnes en 2024 à plus de 20 000 kilotonnes d’ici 2035.

Sans ces matières premières, les énergies renouvelables, le secteur de la défense et d’autres industries stratégiques feraient face à de graves perturbations : le prix de ces ressources ne feraient qu’augmenter, des emplois dans ces secteurs finiraient par disparaître et la transition énergétique ralentirait, à en croire l’Agence internationale de l’énergie.

Il existe néanmoins une demande plus forte pour certains minéraux. En ce qui concerne les technologies d’énergie propre, le graphite est essentiellement utilisé dans les voitures électriques, dont les ventes ont augmenté de 25 % en 2024.

Ceci étant, l’utilisation croissante du silicium, un matériau qui améliore les performances des anodes, des batteries des voitures électriques, couplée au passage au graphite synthétique réduiront progressivement les besoins du secteur en graphite naturel. Cela entraînera une légère baisse de la demande en minéraux clés utilisés dans les technologies propres, d’ici 2045.

Longtemps utilisé dans les technologies traditionnelles, le cuivre restera le minéral le plus demandé dans les prochaines années pour les technologies d’énergie propre, comme les voitures électriques et le photovoltaïque.

Selon les dernières prévisions de l’Agence internationale de l’énergie, la demande en lithium, en vanadium et en manganèse devrait connaître une forte hausse au cours des deux prochaines décennies.

Comment les prix des matières premières critiques ont-ils évolué ?

Après les flambées des prix en 2022 et 2023, les valeurs marchandes des métaux utilisés dans les batteries, celles aussi du cuivre et des terres rares, sont revenues à leur niveau de janvier 2020, qui est le mois de référence.

Les prix des métaux utilisés dans les batteries et le cuivre ont globalement augmenté au cours des cinq dernières années, tandis que ceux des terres rares ont légèrement baissé, même si la demande en ressources utilisées dans les technologies d’énergie propre devrait augmenter.

Même si les prix du cobalt ont légèrement augmenté depuis février, le prix par tonne métrique est près d’un tiers de ce qu’il était en 2022.

Cette baisse est attribuée à la surproduction mondiale. La Chine est également soupçonnée de maintenir des prix bas afin de constituer des réserves stratégiques.

À l’inverse, le développement et l’expansion de technologies plus propres exercent une pression supplémentaire sur les prix. Les batteries lithium-ion, qui n’utilisent pas de cobalt, offrent aux fabricants une alternative à la dépendance vis-à-vis de la Chine, un pays qui devrait raffiner plus de 70% du cobalt mondial d’ici 2030.

Où les pays africains exportent-ils leurs minéraux critiques ?

En 2023, l’Afrique a exporté pour environ 266 milliards de dollars de minéraux critiques, soit 10,6 % du commerce mondial, selon l’Onu.

La Chine, premier importateur mondial de minéraux critiques, reçoit la majeure partie des exportations africaines pour les raffiner. Parmi les autres importateurs figurent l’Inde, l’Australie et la Norvège.

La Mauritanie, l’Angola et l’Ouganda envoient 98 % de leurs exportations de minéraux critiques vers la Chine. La RDC en envoie 88 %, la Côte d’Ivoire environ la moitié.

Selon Jimmy Munguriek, de l’ONG Resource Matters, cela s’explique par le fait que « la Chine domine le marché des minéraux critiques et n’est pas très stricte en matière de respect des règles de bonne gouvernance, de transparence, de responsabilité et de droits humains et environnementaux ».

« Si l’Occident envisage d’investir davantage dans le secteur des minéraux critiques, les États africains devront mettre en œuvre des règles en matière de transparence, de responsabilité et de bonne gouvernance », estime Jimmy Munguriek.

En 2025, la République démocratique du Congo a entamé des négociations en vue d’un éventuel accord de paix avec le Rwanda, en vertu duquel la RDC fournirait aux États-Unis l’accès à des minéraux critiques en échange de leur rôle de médiateur.

Prochaine étape : un raffinement à l’échelle régionale ?

Le boom des minéraux critiques peut apporter à la fois « de nombreuses opportunités » et de nombreux risques potentiels pour les pays qui dépendent des exportations de ces produits, avertissait la Cnuced en 2024.

« Pour tirer pleinement parti de leurs richesses en minéraux, les pays en développement doivent aller au-delà de la simple fourniture de minéraux bruts et progresser dans les chaînes de valeur », selon le rapport de la Cnuced.

Cela signifie que les producteurs africains pourraient exporter des minéraux critiques à un prix plus élevé en les raffinant après leur extraction. Le continent dispose par exemple des minéraux nécessaires à la fabrication de batteries au lithium, mais selon la Banque africaine de développement, seuls 10 % de la valeur totale, de l’extraction au produit fini, restent en Afrique.

Le raffinage au niveau national peut toutefois être un processus très énergivore. « Il faut une grande quantité d’électricité », estime Jimmy Munguriek. « Prenons le cas de la RDC : la loi stipule que les entreprises ne doivent pas exporter de minerais bruts, mais le déficit énergétique constitue un obstacle à leur transformation. »

Bien que le code minier de la RDC de 2018 interdise de manière générale l’exportation de minerais bruts, des exemptions légales permettent à la Chine d’exporter la quasi-totalité du cobalt brut du pays.

Dans le même temps, l’Onu a signalé que le M23 avait fait passer en contrebande au moins 150 tonnes métriques de coltan de la RDC vers le Rwanda, en 2024, ce qui a entraîné une surabondance de minerais d’origine douteuse dans la chaîne d’approvisionnement minière de la région des Grands Lacs, pourtant bien contrôlée.

« La politique énergétique conduira à un raffinage local, ce qui apportera une valeur ajoutée », assure Jimmy Munguriek. « Mais sans une bonne gouvernance, cela ne fonctionnera pas. L’Afrique doit prendre des mesures strictes contre la corruption et s’associer à d’autres pays. »


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