Bois, charbon, fumier… En Afrique, quatre foyers sur cinq cuisinent encore avec des moyens rudimentaires polluants, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié ce vendredi 18 juillet. Les particules fines liées causent de multiples problèmes respiratoires et cardiovasculaires et de nombreux décès prématurés, en particulier chez les femmes et les enfants.
Des poêles rudimentaires alimentés avec du bois, du charbon, des déchets agricoles ou encore du fumier qui polluent l’air intérieur comme extérieur: à l’échelle mondiale, ce sont deux milliards de personnes qui continuent de cuisiner avec ces modes de cuissons néfastes pour l’environnement et la santé.
‘ »C’est l’une des plus grandes injustices de notre époque, en particulier en Afrique », où quatre foyers sur cinq, soit « un milliard de personnes dépendent des foyers ouverts et de l’utilisation du bois », explique à l’AFP le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Fatih Birol.
Un accès à l’électricité « désespérément lent »
À ces fumées nocives et ce problème sanitaire s’ajoute le problème de la destruction des forêts, puits naturels qui emprisonnent le carbone et jouent un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique. Selon la société Climate Care, la combustion du bois et du charbon pour la cuisine émettrait près de 2% des émissions mondiales de carbone. Cela représente autant que le trafic aérien.
Presque 92% de la population mondiale a désormais accès à l’électricité, dont près de 310 millions ont obtenu l’accès depuis 2015, ce qui laisse plus de 666 millions de personnes sans électricité en 2023, selon des chiffres relayés en juin par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Parmi les 20 pays présentant les plus grands déficits d’accès à l’électricité en 2023, 18 se trouvent en Afrique subsaharienne. « Malgré les progrès observés dans certaines régions du monde, l’extension de l’accès à l’électricité et à la cuisson propre reste désespérément lente, en particulier en Afrique », avait déjà expliqué à la sortie de ces chiffres Fatih Birol.
Une estimation de 815.000 morts prématurées
L’AIE estime que 815.000 décès prématurés surviennent chaque année rien qu’en Afrique du fait de la mauvaise qualité de l’air intérieur, qui résulte en grande partie d’un manque d’accès à des modes de cuisson propres. Ce qui fait des modes de cuisson la deuxième cause de mortalité prématurée en Afrique subsaharienne, derrière le paludisme.
Les premières victimes à en payer le prix sont les femmes et les enfants, qui passent des heures chaque jour à chercher des combustibles et à entretenir le feu: du temps en moins pour une activité rémunérée ou l’éducation, souligne ce rapport qui marque un point d’étape après un sommet inédit de l’AIE organisé à Paris en mai 2024 sur le sujet.
Il avait permis d’obtenir 2,2 milliards de dollars d’engagements des secteurs public et privé, ainsi que des engagements politiques de douze gouvernements africains.
« Très faible coût »
Depuis, 470 millions de dollars ont été déboursés, avec des résultats déjà concrets selon Fatih Birol citant une usine de poêles en construction au Malawi ou un programme de poêles abordables développé en Ouganda et en Côte d’Ivoire.
Un an plus tard, le rapport évalue pour la première fois la progression de l’accès aux modes de cuisson propres en Afrique et décline une feuille de route « qui montre comment tous les pays d’Afrique peuvent atteindre un accès universel d’ici 2040 », à peu de frais et sans révolution technologique.
Depuis 2010, près de 1,5 milliard de personnes en Asie et en Amérique latine, notamment au Brésil, en Inde ou en Indonésie, ont eu accès à des fourneaux et des combustibles modernes, mais le défi reste immense en Afrique subsaharienne où le nombre de personnes sans accès à des modes de cuisson propres continue d’augmenter.
Il pourrait être résolu avec « un investissement annuel de 2 milliards de dollars, soit environ 0,1% des investissements mondiaux totaux dans l’énergie (3.300 milliards de dollars projetés en 2025), ce qui est rien », insiste le dirigeant.
Les solutions alternatives sont connues: électricité d’origine solaire, gaz renouvelable et surtout le gaz de pétrole liquéfié (GPL), une énergie fossile donc, qui sans être « une solution idéale », est selon Fatih Birol « préférable » à la perte des puits de carbone provoquée par l’abattage des arbres.
Outre la nécessité d’engager le secteur privé dans les investissements, l’AIE souligne que les États devront aussi prendre des mesures financières incitatives pour aider les familles à s’équiper.
Un tel scenario permettrait d’éviter d’ici 2040 4,7 millions de décès prématurés cumulés en Afrique subsaharienne et de réduire les émissions de gaz à effet de serre du continent de 540 millions de tonnes par an, autant que l’équivalent des rejets annuels du secteur de l’aviation à l’échelle mondiale.
Par TV5MONDE avec AFP