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MANDARINE ET CLÉMENTINE : UNE HISTOIRE COMMUNE QUI REPOSE SUR UN COUP DE CHANCE


L’histoire commune de la mandarine et de la clémentine remonte au 19e siècle et tient du véritable coup de chance. Les explications du généticien François Luro.

Si à première vue, pour les non-initiés, la mandarine Commune et la clémentine peuvent être confondues, il s’agit bien de deux fruits différents. A noter que la mandarine Commune est plus aplatie et la couleur orange de sa peau est plus claire que celle de la clémentine. Elle a le désavantage de contenir beaucoup de pépins. La clémentine est, certes, moins parfumée, mais elle est plus facile à éplucher et n’a pas de pépin. L’erreur d’identification est compréhensible : ces fruits ont bien une histoire commune.

Car la clémentine est en réalité issue de la mandarine Commune. « Le clémentinier est né d’une fécondation fortuite d’une fleur de mandarinier par un pollen d’oranger dans le jardin de l’orphelinat de Messerghin près d’Oran à la fin du 19e siècle, explique auprès de Sciences et Avenir le généticien François Luro qui officie à l’institut « Amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et tropicales » (Agap) dans la station Inrae de Corse. C’est le Père Clément, moine responsable du jardin, qui a semé des pépins de mandariniers et qui a ensuite découvert qu’une de ces graines avait généré un arbre portant des fruits différents de la mandarine« .

En 1903, une société de savants réunie à Alger a baptisé cet arbre « clémentinier » et son fruit « clémentine » en hommage au Père Clément. Ces fruits étaient déjà très appréciés des consommateurs, peut-être même par les enfants de l’orphelinat. Si la composition des clémentines et des mandarines Communes est proche (teneur en sucres, en acides organiques, en caroténoïdes), elles se différencient bien par certaines caractéristiques. Ainsi, « la facilité à l’épluchage, la précocité, l’absence de pépins sont les atouts de la clémentine qui lui ont permis de s’imposer chez les consommateurs« , remarque le généticien.

La mandarine Commune est désormais très peu cultivée, hormis en Italie. Cependant, ce fruit compte aujourd’hui des centaines d’autres variétés. Quant à la clémentine, elle a pris du galon :  sa production est sous normes de qualité, notamment en Corse avec une Indication géographique protégée (IGP).

Un sacré coup de chance

L’histoire de la clémentine pourrait laisser croire que de tels fruits nouveaux peuvent mûrir régulièrement dans les vergers du monde entier. Absolument pas ! « Il a fallu beaucoup de chances, tempère François Luro. Pas pour que le croisement ait lieu mais plutôt pour aboutir à cette combinaison génétique unique« .

Les chercheurs supposent aujourd’hui que le jardin de l’orphelinat de Messerghin comprenait des mandariniers et des orangers dont la floraison a lieu en même temps et attire facilement les abeilles et les bourdons. Ces insectes ont pu aisément transporter des grains de pollen d’oranger et les déposer sur le pistil des fleurs de mandariniers. La suite, cependant, se complique.

« Le mandarinier a des pépins – des graines – qui renferment plusieurs embryons dont un est issu de la fécondation et les autres, de cellules maternelles d’un tissu nourricier qui entoure l’ovule, le nucelle« , explique le généticien. Ces embryons non issus de la fécondation génèrent des pantes identiques entre elles et au pied mère, des clones. Quant à l’embryon issu de la fécondation, appelé embryon zygotique, il est un mélange de gènes de l’ovule et du pollen : lui seul peut donner naissance à un arbre différent de ses parents et donc à autre chose qu’un mandarinier dans le cas d’un croisement.

« Il y a compétition entre les embryons d’un pépin au moment de la germination et le nombre fait que les embryons nucellaires chez la mandarine ont un avantage par rapport à l’embryon zygotique, précise François Luro. Finalement, il a fallu de la chance pour que l’embryon zygotique qui a généré le clémentinier germe et passe le crible de la sélection du Père Clément… qui n’avait probablement pas l’intention de créer un nouvel agrume« .

Selon le chercheur, il serait très difficile de reproduire exactement le clémentinier en réalisant le même croisement d’origine avec les mêmes variétés !

Jamais de pépins ?

L’un des avantages de la clémentine est qu’elle n’a normalement pas de pépins. « Il n’y a pas d’autofécondation entre le pollen et un ovule de la même variété dans les fleurs de clémentiniers car il existe une barrière contrôlée génétiquement qui empêche cette fécondation et c’est ainsi que les clémentines sont sans pépins dans les vergers de production, explique le généticien. En revanche, la présence d’autres variétés à proximité risque de rendre possible des fécondations croisées, sources du développement des pépins« .

Des pépins dans des clémentines sont donc la preuve de la présence d’autres variétés d’agrumes dans la même zone de culture. Cependant, ces pépins sont différents : ils sont dépourvus de la capacité de produire des embryons non issus de la fécondation, et donc des clones.

Les agrumes, une histoire compliquée

L’histoire de la clémentine est compliquée, mais ce n’est pas la seule. « Beaucoup, voire même une majorité de variétés d’agrumes cultivées sont issues de croisements spontanés, naturels, pour certains très anciens« , remarque le généticien. Ainsi, le citronnier serait un croisement entre un bigaradier et un cédratier et il y a moins de trois siècles, la bergamote a vu le jour, issue d’un croisement entre un bigaradier et un citronnier. On peut aussi évoquer le pomelo provenant d’un croisement entre un pamplemoussier et un oranger.

Les exemples sont donc nombreux. « Comme pour le clémentinier, tous ces hybrides sont issus de croisements naturels et leur parenté a été découverte par l’étude des variations des séquences d’ADN« , explique François Luro. 

Récolte de bergamotes, fruits du bergamotier. © barmalini, Adobe Stock

Des mutations ont ensuite pu modifier certains de ces agrumes, donnant naissance à de nouvelles formes affichant d’autres caractéristiques : une coloration sanguine chez l’orange, une coloration rose de la pulpe des pomelos… Des fruits aujourd’hui cultivés par l’Homme. La culture des agrumes s’étend actuellement sur plus de 10 millions d’hectares.

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